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N° 1238

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juillet 2013.

PROJET DE LOI

autorisant la ratification de la convention internationale
de Nairobi sur l’
enlèvement des épaves,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Jean-Marc AYRAULT,

Premier ministre,

par M. Laurent FABIUS,

ministre des affaires étrangères.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les accidents de mer peuvent être à l’origine d’échouements ou de naufrages de navires. Ces derniers deviennent alors des épaves. Les communiqués des préfectures maritimes font régulièrement état d’accidents de mer dans les eaux sous juridiction française (mer territoriale, zone économique exclusive). Statistiquement, ces accidents impliquent essentiellement des navires de pêche et des navires de commerce.

Dans certaines circonstances, les navires échoués ou naufragés peuvent présenter des risques pour la navigation ou pour l’environnement s’ils ne font pas l’objet d’un enlèvement rapide. Ce sont les États côtiers qui doivent alors mettre en œuvre des moyens matériels et humains pour prévenir, atténuer ou éliminer le danger. Ces interventions peuvent conduire l’État affecté à engager des dépenses importantes, notamment dans les situations d’urgence.

Malgré l’importance des risques liés aux épaves dangereuses et malgré la charge financière que leur enlèvement peut représenter pour les États, le droit international ne comporte pas, à ce jour, de règles véritablement établies quant à l’intervention sur les épaves situées au-delà des eaux territoriales. En l’état actuel du droit, un État côtier n’est fondé à intervenir sur une épave située au-delà de sa mer territoriale que lorsque cette épave est susceptible de générer une pollution pouvant l’affecter. Ce droit d’intervention reste exclusivement subordonné à l’existence d’un risque de pollution et ne peut en principe pas être exercé sur d’autres fondements, tels que ceux tenant à la sécurité de la navigation.

Face à cette situation, l’adoption de règles internationales s’est avérée nécessaire non seulement pour déterminer les mesures que peuvent prendre les États affectés pour intervenir sur une épave située au-delà de leur mer territoriale, mais également pour fixer les conditions dans lesquelles l’État ayant procédé à l’enlèvement d’une épave peut se faire indemniser pour les frais qu’il aurait engagés à cet effet. Tel est l’objet de la convention de Nairobi.

La convention comporte vingt-et-un articles et elle est assortie d’une annexe. Voici une présentation analytique de son contenu :

Champ d’application de la convention (articles 1er, 3 et 4) :

Champ d’application géographique (article 3) :

Le champ d’application de la convention concerne la zone économique exclusive (ci-après ZEE) des États parties ou, si cette zone n’a pas été établie, la zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci dans la limite de 200 milles marins à partir des lignes de base (à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale). Si les eaux territoriales sont en principe exclues du champ d’application, les États parties peuvent néanmoins décider d’élargir la portée de la convention à ces dernières (article 3 paragraphe 2). Ils doivent, pour cela, notifier leur décision au Secrétaire général de l’Organisation maritime internationale (OMI) (article 3 paragraphes 2, 3, 4 et 5).

Champ d’application matériel (article 1er, article 4) :

Les navires :

Le navire est défini, aux fins d’application de la convention, comme tout bâtiment de mer de quelque type que ce soit. Cette définition englobe les hydroptères, les aéroglisseurs, les engins submersibles, les engins flottants et les plates-formes flottantes (article 1er). Sont exclues du champ d’application de la convention les plates-formes flottantes quand elles se livrent sur place à des activités d’exploration, d’exploitation ou de production des ressources minérales des fonds marins (article 1er).

Les épaves :

L’épave, qui trouve son origine dans un accident de mer, est définie comme suit :

– tout navire naufragé ou échoué ;

– toute partie d’un navire naufragé ou échoué, y compris tout objet se trouvant ou s’étant trouvé à son bord ;

– tout objet perdu en mer par un navire et qui est échoué, submergé ou à la dérive ;

– un navire sur le point de couler ou de s’échouer, ou dont le naufrage ou l’échouement peut être raisonnablement attendu si aucune mesure efficace destinée à prêter assistance au navire ou à un bien en danger n’est déjà en train d’être prise.

Exclusion des navires de guerre et des navires d’État :

Sauf si l’État partie en décide autrement, la convention ne s’applique en principe pas aux navires de guerre ni aux autres navires appartenant à un État ou exploités par ce dernier, tant que celui-ci les utilise à des fins exclusivement gouvernementales et non commerciales (article 4).

Sujets de droit visés par la convention :

Les acteurs visés sont le propriétaire du navire (le propriétaire inscrit), le capitaine et l’exploitant du navire (armateur-gérant ou affréteur coque nue), l’État affecté par l’épave (l’État dans la zone duquel se trouve l’épave ou l’État côtier directement menacé par une épave), l’État d’immatriculation du navire et, le cas échéant, l’assureur ou l’organisme garant.

Obligation de déclarer les épaves résultant d’un accident de mer (article 5) :

Lorsqu’un navire impliqué dans un accident de mer a causé une épave, l’État d’immatriculation du navire doit exiger du capitaine ou de l’exploitant du navire l’envoi d’un rapport à l’État affecté sans tarder. Ce rapport doit contenir des informations devant permettre à l’État affecté d’évaluer la dangerosité de l’épave.

Détermination de la dangerosité de l’épave (article 2) :

Pour établir si une épave présente un danger, l’État affecté doit tenir compte d’une liste (non limitative) de critères énumérés par la convention à l’article 2.

Mesures visant les épaves (articles 2, 7, 8 et 9) :

L’objectif de la convention est de garantir l’enlèvement rapide et efficace des épaves dangereuses au moyen de procédures appropriées. L’enlèvement constitue le dernier stade d’un processus qui passe d’abord par la localisation et la signalisation de l’épave. Pour chacun de ces stades, la convention détermine les responsabilités incombant respectivement au propriétaire inscrit et à l’État côtier affecté.

La règle générale : le principe de proportionnalité (article 2) :

Les mesures prises par l’État affecté pour intervenir sur une épave doivent être proportionnées au danger que cette dernière représente.

Localisation de l’épave (article 7) :

L’État affecté doit localiser toutes les épaves – dangereuses ou non – résultant d’accident de mer et avertir en urgence les navigateurs et les autres États intéressés au sujet de leur nature et de leur emplacement. S’il a des raisons de penser qu’une épave constitue un danger, il veille à ce que toutes les mesures soient prises pour la localiser avec précision.

Signalisation de l’épave (article 8) :

L’obligation de signalisation s’impose à l’État affecté lorsque la dangerosité de l’épave est établie. L’État affecté doit alors veiller à ce que toutes les mesures « raisonnables » soient prises pour la signalisation de l’épave, en se conformant au système de balisage agréé au niveau international, et diffuser toutes les informations utiles à ce sujet.

Enlèvement de l’épave (article 9) :

Le terme « enlèvement » désigne, dans la convention, toute forme de prévention, d’atténuation ou d’élimination du danger créé par une épave (article 1er). Comme pour la signalisation, l’enlèvement d’une épave doit intervenir si sa dangerosité est établie.

L’État affecté a l’obligation d’avertir immédiatement l’État d’immatriculation du navire et le propriétaire inscrit et il doit consulter, au préalable, l’État d’immatriculation et les autres États susceptibles d’être affectés sur les mesures à prendre (article 9 paragraphe 1). Il doit également fixer un délai « raisonnable » au propriétaire inscrit pour que ce dernier procède à l’enlèvement de l’épave.

Le propriétaire inscrit a l’obligation d’enlever l’épave qui constitue un danger. Il doit alors fournir à l’autorité compétente de l’État affecté la preuve de l’assurance ou de la garantie financière qu’il a souscrite. Avant que l’enlèvement ne commence, l’État affecté peut en fixer les conditions, mais uniquement afin de s’assurer que l’opération se déroule dans le respect des règles de sécurité et de protection du milieu marin. L’État affecté peut également intervenir une fois que l’enlèvement a commencé pour s’assurer du bon déroulement des opérations et de leur conformité aux règles de sécurité et de protection de l’environnement (article 9 paragraphes 4 et 5).

Lorsque le propriétaire de l’épave ne procède pas à l’enlèvement dans le délai fixé par l’État affecté ou lorsqu’il ne peut être contacté et qu’il y a urgence, l’État affecté a le droit d’enlever l’épave par les moyens les plus pratiques et les plus rapides (article 9 paragraphes 6, 7 et 8).

Obligation des propriétaires de navire de souscrire une assurance ou une garantie financière et délivrance des certificats d’assurance (article 12) :

Afin de couvrir sa responsabilité au titre de la convention, tout propriétaire inscrit d’un navire d’une jauge brute supérieure à 300 doit souscrire une assurance ou une garantie financière pour un montant équivalent aux limites de responsabilité fixées par la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes – LLMC (article 12 paragraphe 1). L’État d’immatriculation du navire doit délivrer un certificat attestant de la validité de l’assurance ou de la garantie financière (article 12 paragraphe 2). Les navires autorisés à battre le pavillon d’un État partie ne peuvent pas être exploités s’ils ne sont pas munis d’un tel certificat (article 12 paragraphe 11).

Le certificat doit comporter les informations énumérées à l’article 12 paragraphe 2 et doit être conforme au modèle figurant en annexe de la convention. L’État d’immatriculation du navire peut déterminer les modalités de délivrance et de validité du certificat sous réserve du respect des dispositions de la convention et compte tenu des directives qui pourraient être adoptées par l’OMI sur la responsabilité financière des propriétaires inscrits (article 12 paragraphe 7). Lorsque l’État partie décide de confier la délivrance des certificats à un organisme habilité, il ne reste pas moins intégralement garant de la validité des certificats ainsi délivrés (article 12 paragraphe 3).

Les certificats délivrés sous l’autorité d’un État partie sont acceptés et reconnus par les autres États parties aux fins de la convention (article 12 paragraphe 9). Pour les navires qui ne sont pas immatriculés dans un État partie, le certificat peut être délivré ou visé par l’autorité compétente de n’importe quel État partie (article 12 paragraphe 2).

Le certificat doit se trouver à bord du navire et une copie doit en être déposée auprès de l’autorité qui tient le registre d’immatriculation du navire ou, si le navire n’est pas immatriculé dans un État partie, auprès de l’autorité qui a délivré ou visé le certificat (article 12 paragraphe 5).

Responsabilité du propriétaire de l’épave :

Afin de faciliter l’indemnisation des États pour les frais engagés au titre des opérations d’enlèvement, la convention instaure un dispositif de responsabilité des propriétaires inscrits des navires.

Responsabilité du propriétaire inscrit et cas d’exonération (article 10) :

Le propriétaire inscrit est tenu de payer les frais de localisation, de signalisation et d’enlèvement de l’épave. Il ne peut s’exonérer de cette responsabilité que dans des cas limitativement énumérés : acte de guerre, hostilités, guerre civile, insurrection, phénomène naturel de caractère exceptionnel, inévitable et irrésistible ; fait délibéré d’un tiers ; négligence d’un gouvernement ou d’une autre autorité responsable de l’entretien des feux ou autres aides à la navigation. Ces cas d’exonération sont identiques à ceux retenus par la convention internationale de 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (convention CLC).

Il est à remarquer que, à l’instar de la convention CLC, la convention de Nairobi ne prévoit aucune exclusion de responsabilité pour des faits liés à des actes de terrorisme.

Exceptions à la responsabilité du propriétaire inscrit (article 11)

Le propriétaire inscrit n’est pas tenu de payer les frais de localisation, de signalisation et d’enlèvement de l’épave, si, et dans la mesure où, l’obligation de s’acquitter de ces dépenses est incompatible avec :

– la convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (convention CLC) ;

– la convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses (convention HNS) ;

– la convention de 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire ;

– la convention de Vienne de 1963 relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires ;

– la législation nationale régissant ou interdisant la limitation de responsabilité en matière de dommages nucléaires ;

– la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute.

Limitation de responsabilité :

L’article 10 paragraphe 2 de la convention prévoit la possibilité pour le propriétaire du navire de limiter sa responsabilité conformément aux règles de droit national ou de droit international applicables dans ce domaine. La convention ne crée pas de plafond de limitation de responsabilité spécifique aux épaves mais renvoie aux régimes nationaux ou internationaux existants (tels que la convention de 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes – LLMC).

Indemnisation de l’État affecté par une épave :

Pour le remboursement des frais liés à l’enlèvement des épaves, l’État concerné peut agir directement contre l’assureur ou contre toute autre personne ayant fourni la garantie financière (article 12 paragraphe 10). Ce principe de l’action directe existe déjà dans d’autres instruments internationaux tels que les conventions CLC, HNS et hydrocarbures de soute.

Le défendeur (l’assureur) pourra alors invoquer les mêmes moyens de défense que le propriétaire du navire. De plus, même si le propriétaire inscrit n’est pas en droit de limiter sa responsabilité, le défendeur peut, lui, limiter sa responsabilité au montant de l’assurance ou de la garantie financière souscrite par le propriétaire inscrit (article 12 paragraphe 10).

Les délais de prescription (article 13)

Les droits à remboursement s’éteignent si l’action en justice n’est pas introduite dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle la dangerosité de l’épave a été établie. De plus, aucune action en justice ne peut être intentée après un délai de six ans à partir de la date à laquelle s’est produit l’accident de mer à l’origine de l’épave.

Les dispositions relatives aux amendements, au règlement des différends figurent respectivement aux articles 14 et 15.

L’entrée en vigueur de la convention a lieu douze mois après la date à laquelle dix États l’ont signée sans réserve ou ont déposé leur instrument de ratification auprès du Secrétariat général de l’OMI, dépositaire de la convention (article 18, article 20).

L’exemplaire original de la convention comporte une version française faisant foi (article 21).

Telles sont les principales observations qu’appelle la convention internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves qui, en raison des dispositions de nature législative qu’elle comporte, est soumise au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.


PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification de la convention internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves, adoptée le 18 mai 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 10 juillet 2013.

Signé : Jean-Marc AYRAULT

Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères


Signé :
Laurent FABIUS


© Assemblée nationale